La liberté d'expression. Deux mots puissants, fondateurs de nos démocraties, garants de notre capacité à penser, débattre et évoluer. J'y crois profondément. Une liberté sans entrave, certes, dans la limite du respect d'autrui : pas de haine, pas d'insultes gratuites, pas de menaces de mort. Des balises essentielles pour une cohabitation sereine.
Pourtant, en tant que citoyen vivant en France, je ne peux m'empêcher de me poser une question fondamentale : cette liberté d'expression, telle qu'on nous la présente, existe-t-elle réellement ? Ou sommes-nous dupés par une sémantique astucieuse, celle de la "liberté d'expression encadrée" ?
Imaginez un instant que l'on prenne une personne et qu'on la place dans un vaste environnement, disons de 100 à 1000 hectares. Un espace immense, certes, mais totalement entouré de murs. On lui dit : "Tu es libre de te déplacer où tu veux, de courir, de marcher, de t'exprimer... mais seulement à l'intérieur de ces murs." Croyez-vous sincèrement que cette personne se sentirait libre ? Mon intuition me dit qu'elle n'aurait de cesse de vouloir passer ces murs, de les interroger, car la vraie liberté, c'est l'absence de ces limites arbitraires, ou du moins la possibilité de les défier.
Et c'est précisément là que le bât blesse avec le concept d'encadrement. Parmi toutes les limites imposées à cette liberté, il y en a une qui m'apparaît comme la plus insidieuse et la plus dangereuse : la "protection de l'ordre public". Ce terme, pour moi, est un véritable fourre-tout. Il sert à justifier presque n'importe quelle restriction. Vous manifestez pour exprimer un mécontentement légitime ? "Ordre public !" On brandit ce prétexte pour disperser, interdire, museler.
L'histoire, même récente, nous offre des exemples glaçants de l'application de cette notion floue. On se souvient de l'affaire d'Outreau, cette tragédie judiciaire où, des années plus tard, certains juges des libertés ont avoué à demi-mots avoir maintenu en détention des accusés qu'ils savaient innocents. Pourquoi ? Au nom de cette fameuse "protection de l'ordre public". C'est un aveu terrifiant qui montre comment un concept aussi vaste peut être détourné, non pas pour garantir la justice, mais pour préserver une forme de façade sociale ou éviter un chaos perçu, quitte à sacrifier des innocents.
Alors, quand on me parle de liberté d'expression "encadrée", je ne peux m'empêcher de ressentir une profonde méfiance. Les murs, même larges, restent des murs. Et la question demeure : sommes-nous vraiment libres de nous exprimer si la "protection de l'ordre public" peut à tout moment devenir une épée de Damoclès sur nos têtes, un prétexte pour restreindre nos voix ? C'est un débat essentiel que nous devons continuer à avoir.